Comment ça ? Mon employeur peut-il m’obliger à me faire vacciner contre le COVID-19 ?
UPDATE: Foire aux questions sur ce thème
Un rapport récent de Sciensano montre que l'objectif de couverture vaccinale de 70% est loin d'être atteint partout et dans toutes les catégories professionnelles. Diverses études préconisent déjà un taux de vaccination plus élevé, de 85 à 90, afin d'obtenir une immunité de groupe.
Margot Cloet (Zorgnet-Icuro) avait déjà annoncé que la vaccination serait obligatoire pour le personnel soignant. La semaine dernière, le Voka (organisation patronale en Flandre) a lancé un appel similaire aux autorités visant la vaccination obligatoire pour tous les travailleurs (ou du moins une réflexion en la matière). Le Conseil Supérieur de la Santé, via le groupe de travail « Maîtrise des infections liées aux soins », a également fortement recommandé pareille approche.
Après que la France a récemment annoncé qu'elle rendrait la vaccination obligatoire pour tout le personnel de santé, le ministre de la santé, M. Vandenbroucke, a également indiqué qu'il envisageait cette possibilité. "Je veux continuer à sensibiliser le public. Mais si cela ne se fait pas tout seul, il faut travailler avec des obligations."
Les géants de l'internet Google et Facebook ont annoncé indépendamment qu'ils n'autoriseraient que les personnes vaccinées sur le lieu de travail. Le président américain Biden envisage de rendre obligatoire la vaccination des fonctionnaires fédéraux.
Soyons clairs : dans notre pays, le gouvernement fédéral et les syndicats sont actuellement encore divisés. Des précisions devraient être apportées d'ici la mi-août. Dans un premier temps, l'accent est mis sur la sensibilisation.
Obligation de vaccination émanant de l’employeur ?
"Il n’existe actuellement aucune base légale visant à rendre la vaccination obligatoire", déclare le professeur de droit médical Thierry Vansweevelt (université d'Anvers). Tant que le gouvernement n'oblige pas, chaque employé a le libre choix. L’obstacle principal en la matière est le respect de la vie privée des travailleurs, et plus particulièrement le respect de l’intégrité physique.
Tout employeur peut promouvoir la vaccination et sensibiliser, en guise de mesure de prévention, et peut par exemple :
- organiser une séance d'information sur la vaccination ;
- prévoir une personne de confiance ou un médecin qui se tiennent à disposition des travailleurs pour répondre à leurs éventuelles interrogations.
Actuellement, la répartition des vaccins est entre les mains des autorités. Lorsque les vaccins seront disponibles librement sur le marché, la vaccination gratuite pour les travailleurs pourrait être une option pour les employeurs (c’est déjà le cas pour la grippe dans de nombreuses entreprises). Là non plus, il n’y a aucune obligation.
Accès au lieu de travail refusé ?
L'employeur ne peut pas refuser l’accès au lieu de travail à une personne non vaccinée. Il ne peut pas être une condition d'embauche d'un candidat. Cela constitue une discrimination basée sur l’état de santé futur. Il va de soi que les mesures en vigueur visant à contrer la propagation du coronavirus doivent en tout temps être respectées.
"Un employeur peut en effet demander des informations à un employé (candidat) afin de vérifier son aptitude au travail", déclare M. Vansweevelt. "Dans le cas d'un pilote : a-t-il de bons yeux ? Mais le fait qu'une personne ait été vaccinée ou non contre le coronavirus n'est pas pertinent."
Motif valable de licenciement ?
La vaccination est un choix personnel. L’employeur ne peut sanctionner ou licencier un travailleur non vacciné, même pas dans le secteur des soins de santé.
Supposons que la femme de ménage dise sans ambages qu'elle ne veut pas être vaccinée. "Il est important de faire attention à l'aspect discrimination", déclare l'avocat Tom De Gendt. "Tout comme un employeur ne peut pas juger un employé en fonction de son âge ou de son sexe, la question ici est de savoir si le fait d'être vacciné ou non est une raison acceptable pour mettre fin à la collaboration avec quelqu'un."
Je refuse de travailler parce que mon ou mes collègues ne sont pas vaccinés ?
L'article 1.2-26 du Code stipule que : "Le salarié qui, en cas de danger inévitable, grave et immédiat, quitte son poste de travail ou une zone dangereuse, ne doit subir aucun désavantage de ce fait et doit être protégé de toute conséquence négative injustifiée. " Ce 'désavantage' indique une perte de salaire et ces conséquences négatives injustifiées indiquent un licenciement. Vous pourriez suggérer que le fait de travailler avec des collègues non vaccinés constitue une "situation de travail dangereuse". Vous pouvez donc rentrer chez vous si un collègue dit qu'il ne veut pas être vacciné ?
"En un mot : non", dit Julie Rousseau, avocate spécialisée en droit du travail chez Acerta. "Si l'employeur respecte toutes les règles de sécurité et de distance, alors le lieu de travail est en principe sûr et vous ne pouvez pas le quitter unilatéralement. Votre employeur peut alors vous déclarer en défaut pour refus de travailler. Si vous continuez à refuser de vous rendre au travail, cela peut même constituer un motif de licenciement. La vaccination n'est toujours pas une obligation et, pour des raisons de protection de la vie privée, ni votre employeur ni vous ne pouvez demander ou "savoir" ce qu'il en est de vos collègues. Tant que le gouvernement ne rendra pas obligatoire la vaccination contre le coronavirus, cela ne changera pas."
L’employeur peut-il demander une preuve de vaccination ?
Non, car il s’agit d’une donnée à caractère personnel relative à la santé, laquelle relève du dossier médical. D’après le RGPD, les données relatives à la santé des travailleurs ne peuvent pas être traitées, à moins que les autorités n’introduisent des règles exceptionnelles complémentaires relatives au traitement des données de vaccination ou que le travailleur ne donne librement et expressément son autorisation. Dans une relation de travail, il est cependant question d’une autorité. L’autorisation du travailleur ne peut donc en aucun cas être libre.
On peut tout simplement ne pas demander à l'employé s'il a été vacciné. L'employeur n'a pas le droit de le contrôler, sauf si l'employé l'autorise expressément. En bref, le travailleur ne peut être questionné sur sa (non-)vaccination. La tenue d’une liste reprenant les personnes vaccinées ou la présentation obligatoire à la demande de l’employeur d’une attestation de vaccination ne sont donc pas autorisées.
Rechercher une immunité collective de 80 % du personnel, avec une prime collective ?
Non. Cela est lié à la question précédente. Il en va de la vie privée du travailleur.
Le SPF ETCS a recommuniqué sa position. Le système d'avantages non récurrents liés aux résultats (CCT n° 90) reste inchangé pendant la crise du coronavirus. Pareille initiative de l’employeur ne sera donc pas approuvée. Il serait apparemment possible, par exemple, de prévoir un plan reprenant un objectif collectif qui viserait une réduction du nombre de jours d'absence pour maladie, pour autant qu’il existe un plan de prévention au sein de l’entreprise.
Reste l’équilibre entre le respect de la vie privée des travailleurs et l’obligation à l’employeur pour veiller au bien-être de son personnel. La loi n’indique pas lequel de ces deux aspects a la préséance. La législation en vigueur ne permet en tout cas pas à l’employeur d’obliger ses travailleurs à se faire vacciner contre le coronavirus.
Christophe Lemmens, avocat en droit de la santé et professeur invité à la Universiteit Antwerpen, est intéressé par l’appel du VOKA. « Je me rends compte que l’obligation générale de vaccination vient se heurter au droit à l’autodétermination », explique-t-il sur Radio 1 dans De wereld vandaag. « Cependant, ce droit n’est pas absolu ou infini. En situation exceptionnelle, comme c’est le cas pour la crise actuelle, ce droit peut être limité. »
L'obligation de vaccination reste un exercice d'équilibre entre le droit à la vie privée de l'employé et le devoir de l'employeur de veiller au bien-être de son personnel. Rédaction INNI suit l’évolution de la situation de près.