La pandémie liée au COVID-19 vous permet-elle de demander à vos travailleurs où ils passeront leurs vacances ?
Dans le contexte (très changeant) actuel, il semblerait compréhensible qu’un employeur assidu interroge ses travailleurs concernant leurs vacances éventuelles à l’étranger. Pareille position semble défendable. Cependant, est-ce permis ? Sara Torrekens, avocate spécialisée en droit de la sécurité sociale et en droit du travail, plus particulièrement en bien-être au travail et en accidents du travail, nous éclaire.
D’une part, il convient de se référer aux obligations légales de l’employeur dans le cadre de la loi bien-être et du code du bien-être au travail et, de manière générale, au devoir de protection qu’à l’employeur vis-à-vis de ses travailleurs.
D’autre part, il s’avère que la question vient toucher à la sphère privée, si bien que les travailleurs ne sont pas tenus de donner ces informations concrètes et que l’employeur ne peut pas y faire grand-chose si le travailleur concerné refuse de répondre à cette question.
En ces temps de pandémie, l’expérience nous apprend aussi que la plupart des travailleurs comprennent l’inquiétude de l’employeur. Et cela évite généralement tout problème en pratique. Nous savons tous qu’il est question d’une pandémie et que la situation est grave.
Une bonne sensibilisation des travailleurs s’avère cruciale pour la politique bien-être de l’entreprise. Il convient de les encourager à se renseigner adéquatement au préalable concernant la région de leur destination, s'il s’avère qu’ils ont l’intention de se rendre à l’étranger. Bien entendu, l’employeur peut se montrer davantage proactif en collectant les informations les plus importantes et en insistant auprès des travailleurs pour qu’ils suivent les éventuelles recommandations de voyage.
Il a dernièrement été annoncé que nos autorités allaient travailler avec un code couleur pour désigner les zones à risque (rouge, orange, vert).
Jusqu’il y a peu, l’on ne savait pas encore clairement si les tests (premier test – attendre 5 jours – résultat négatif – deuxième test – résultat négatif) et l’auto-quarantaine (pourraient) effectivement être rendus contraignants.
Le 8 juillet dernier, il a été annoncé que l’objectif des autorités était de rendre ces règles contraignantes (sous peine d’amende et/ou de prison).
Bien que nous attendions actuellement la publication et l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles, il ne serait question d’obligation de test et d’auto-quarantaine que lorsque l’on revient d’une zone rouge. Pour les zones orange, le test et la quarantaine ne sont que recommandés.
Cela ne facilite certainement pas la tâche de l’employeur, que du contraire. Il est difficile pour ce dernier de savoir quoi faire, par exemple lorsqu’un travailleur revient d’une zone orange ou refuse de donner des informations concernant son pays de destination. Le Voka a déjà pris la parole à ce propos et a fait remarquer les imprécisions qui en découlent pour les employeurs.
Néanmoins, indépendamment du fait qu’il soit question d’une véritable obligation ou non, l’employeur peut à mon sens se référer à ses obligations légales dans le cadre de la législation bien-être afin de prendre des mesures adéquates en cas de très fort soupçon de contamination ou de voyage vers une zone à risque (par exemple, lorsque le travailleur refuse de dire où il s’est rendu).
Cela peut impliquer que l’employeur interpelle le travailleur à son retour et lui demande de se faire tester et de se soumettre à l’auto-quarantaine, comme cela est par ailleurs recommandé par les autorités en ce qui concerne les retours de zones orange.
Toutefois, lorsqu’il est question d’une zone verte et qu’il n’y a aucune autre indication relative à un risque accru, je crains qu’une décision de l’employeur visant à mettre des conditions au retour du travailleur ne soit pas considérée comme raisonnable.
À cet égard, il est bien entendu très important que l’employeur communique au préalable très clairement à propos de la politique de prévention interne relative au COVID-19 et du code de conduite présupposé par ses soins, et ce, dans l’intérêt de la santé de tous les travailleurs. Il faut ensuite miser sur le sens des responsabilités des travailleurs et sur leurs obligations en tant que travailleurs, dans le cadre de la politique bien-être (garantir leur propre santé, mais également celles des autres travailleurs).
Sara Torrekens